Le nouveau droit des sociétés : qu’est-ce qui change ?

Nous avons vu en détail quelles réformes le gouvernement Michel avait réalisées dans le domaine de la modernisation du droit successoral et du droit matrimonial des couples.  Mais le droit des sociétés a également été soumis à une révision sérieuse. Le nouveau droit des sociétés est en fait la conclusion de la réforme du droit économique du ministre Koen Geens, qui avait déjà, en 2018, réformé le droit de l’insolvabilité et le droit des affaires.  Le projet était déjà terminé en décembre 2018, mais la chute du gouvernement avait causé une incertitude quant à l’introduction de cette réforme.  Cette fois, la chose est décidée.  Le 28 février 2019, le parlement a tranché : le Code des Sociétés et des Associations (CSA) entre en vigueur le 1ermai 2019.

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    Objectif

    L’intention de cette loi était de moderniser et de simplifier la vie économique pour le million et demi d’entreprises, les plus de 600.000 entreprises unipersonnelles et les 230.000 ASBL de notre pays.  Le but était également de stimuler la création d’entreprises.  Comme le ministre l’a dit lui-même :  « Cette réforme approfondie permettra de créer davantage d’entreprises en Belgique. »

    Il n’y a plus que des entreprises 

    Pour permettre cette simplification, le droit a fait disparaître l’ancienne distinction entre les sociétés commerciales- à but commercial - et les associations de droit civil- sans but commercial. Selon le nouveau Code des Sociétés, il n’existe plus que des entreprises.  Toutes les sociétés, associations et fondations sont donc dorénavant des entreprises.  De ce fait, le tribunal de commerce disparaît, et il est remplacé par le tribunal de l’entreprise.

    Simplification du nombre de sociétés 

    Au cours du temps, on avait vu la naissance de plus en plus de sortes de sociétés:  SPRL, sociétés à finalité sociale, SCRL, sociétés momentanées, sociétés tacites, SA, SC, et tant d’autres.  Il y en avait au total  17 ! 

    Les types suivants de société disparaissent.  Depuis le 1ermai 2019, il n’est donc plus possible de créer une nouvelle société dans une de ces formes juridiques supprimées :

    • la société tacite
    • la société momentanée
    • la société coopérative à responsabilité illimitée (SCRI)
    • la société coopérative à responsabilité limitée (SCRL)
    • le groupement d’intérêt économique (GIE)
    • la société agricole (SAGR)
    • la société privée à responsabilité limitée unipersonnelle (SPRLU)
    • la société privée à responsabilité limitée Starter (SPRL-S)
    • la société en commandite par actions (SCA)
    • la société à finalité sociale (SFS)

    Ce n’est cependant pas parce que ces types de société disparaissent, que leurs caractéristiques disparaissent aussi. Seulement, ces sociétés seront dorénavant d’un autre type.

    Ancien type de société

    Nouveau type de société

    La société tacite

    devient société simple

    La société temporaire

    devient société simple

    La société coopérative à responsabilité illimitée (SCRI)

    devient société en nom collectif (SNC)  

    La société coopérative à responsabilité limitée (SCRL)

    si pas SC -> devient société privée à responsabilité limitée (SRL)

    Le groupement d’intérêt économique (GIE)

    supprimé –> devient société en nom collectif (SNC)  

    La société agricole (SAGR)

    devient société en nom collectif (SNC) ou société en commandite simple (SCS)

    La société privée à responsabilité limitée unipersonnelle (SPRLU)

    superflue -> devient société privée à responsabilité limitée (SRL) 

    La société privée à responsabilité limitée Starter (SPRL-S)

    superflue -> devient société privée à responsabilité limitée (SRL)

    La société en commandite par actions (SCA)

    devient SA

    La société à finalité sociale (SFS)

    devient SC


    Attention :  nous ne pouvons ici pas prévoir tous les cas. Il est toujours possible qu’un des types existants soit transformé en un autre type que celui mentionné ci-dessus. 

    Quatre types de sociétés de base 

    Cette simplification conduira à quatre types de société de base:
    1) la société anonyme (SA) 
    2) la société privée à responsabilité limitée  (SRL)
    3) la société coopérative (SC)
    4) la société simple sans personnalité juridique ou avec personnalité juridique (la société en nom collectif (SNC) et la société en commandite simple (SCS) )

    La société anonyme (SA) est la forme juridique par excellence pour les grandes entreprises. La SA aura pour but de rassembler suffisamment de capitaux pour développer une grande entreprise.  Le capital de 61.500 euros est maintenu.

    La société privée à responsabilité limitée  (SRL) (anciennement SPRL) est la forme de société par excellence pour les petites et moyennes entreprises.  La nouvelle SRL ressemble d’ailleurs fortement à la SPRL. La nouvelle SRL protège également le patrimoine privé de l’entrepreneur, de sorte que les créanciers ne puissent pas saisir les biens privés de l’entrepreneur.  Le capital de départ de 18.500 euros est supprimé pour la SRL, il n’y a donc dorénavant plus de capital minimum exigé.  Cela ne veut cependant pas dire qu’il n’est plus besoin d’avoir un capital de départ !  La loi prévoit un “patrimoine initial suffisant”.  Il est également possible d’apporter un capital humain, comme les connaissances, l’expérience et le travail, comme capital de départ à l’entreprise.  Dorénavant, une SRL, tout comme une SA, pourra transmettre des actions de manière flexible et même être cotée en Bourse.  Dans cette optique, la SRL est plus flexible que la SPRL.

    La société coopérative (SC) n’existe dorénavant plus que sous la forme d’une société coopérative à responsabilité limitée.  La SC (re)devient vraiment une société coopérative qui doit veiller aux besoins de ses actionnaires et au développement de ses activités. Les actuelles “fausses” SC devront opter pour une des autres formes de société, où la SRL est la plus vraisemblable.

    La société simple est la forme de base de la société de personnes et il s’agit de la seule forme sans personnalité juridique. Comme variante, nous trouvons deux formes de société simple avec personnalité juridique, à savoir la société en nom collectif (SNC) et la société en commandite simple (SCS).  Ces deux formes de société simple peuvent éventuellement être considérées comme une cinquième forme de base.

    Le droit européen 

    En dehors de cela, nous ne pouvons pas oublier les types de société de droit européen.  Ceux-ci dépendent du droit européen et ne peuvent donc être modifiés par une réforme du droit belge.  Il s’agit de la société européenne (SE), de la société coopérative européenne (SCE) et du groupement d’intérêt économique européen (GIEE).

    Attention :  pour les sociétés existantes

    Si vous avez une société, vous ne devez pas vous précipiter pour tout changer.  La 1èrephase (1ermai 2019) concerne surtout les nouvelles sociétés qui se créent. Au cours de cette première phase, les sociétés existantes peuvent volontairement adapter leurs statuts par une décision de leur assemblée générale.  Ces nouveaux statuts entrent alors en vigueur au moment de leur publication. Le 1erjanvier 2020 verra le début de la 2èmephase.  Les dispositions contraignantes sont alors immédiatement d’application pour les sociétés existantes, même si leurs statuts n’ont pas encore été adaptés.  Cette adaptation complète doit cependant être faite au moment de la prochaine modification des statuts.  Les sociétés existantes qui n’ont pas réalisé les démarches nécessaires pour le 1erjanvier 2024, seront d’office transformées dans la forme juridique la plus proche  (cf. ci-dessus) au cours de la 3èmephase.  À cette date, la réforme sera donc terminée.  
    Attention :  les sociétés qui seront transformées d’office au 1erjanvier 2024, auront alors encore six mois pour convoquer une assemblée générale qui devra modifier les statuts. Les membres des organes de direction qui ne respectent pas cette obligation, peuvent être personnellement et solidairement tenus responsables des dommages subis par la société ou des tiers suite à ce non-respect. 

    Et encore quelques autres changements importants 

    • Les courriels auront dorénavant une force probante et une valeur légale.  Une adresse e-mail peut être reprise dans les statuts et devient donc un moyen de communication valable pour communiquer avec les actionnaires et les membres.
    • Avec le nouveau droit des sociétés, vous pouvez créer une entreprise (SRL ou SA) seul.  Auparavant, il fallait au moins être deux.
    • Une SC doit avoir au moins 3 actionnaires et une société simple, au moins 2 associés.
    • Dans une SA et une SRL, chaque action a en principe une voix, mais les statuts peuvent s’en écarter et prévoir des actions à droits de vote multiples, des actions sans droit de vote et des actions avec droit de vote sous certaines conditions.  Pour ceci, les statuts de l’entreprise doivent cependant être adaptés.  Pour les sociétés qui ne sont pas cotées, le droit de vote multiple peut être adopté par 75 % des voix, pour les sociétés cotées, par 66 % des voix.
    • Si une entreprise est créée en Belgique et opte pour le droit belge (siège statutaire en Belgique), elle sera dorénavant toujours considérée comme une entreprise belge, même si sa direction est à l’étranger.  Ceci doit rendre notre pays plus attrayant pour les entreprises.
    • La responsabilité des administrateurs est plafonnée en fonction de la grandeur de l’entreprise. Les montants vont de 125.000 à 12 millions d’euros.  Cette restriction ne compte pas pour des fautes légères répétées, une faute grave et une intention frauduleuse, et le non-paiement des cotisations sociales, de la TVA et du précompte professionnel.                                                                 

    Voilà les principales modifications introduites par le nouveau droit des sociétés. 

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